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Petites histoires au sein de la grande Histoire...

Celle d'Avignon est riche en anecdotes, tragiques ou cocasses.

 

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De l’adoration à la haine : Napoléon Bonaparte à Avignon

1793

     Entre 1790, fin du pouvoir pontifical, et 1793, date du rattachement d’Avignon à la France, le désordre règne dans la ville. En rébellion contre la Convention qui vient de triompher des Girondins à Paris, la Provence se soulève. Les Marseillais avancent sur Avignon – c’est là que se situe l’épisode mettant en scène le jeune Viala – laquelle se rend rapidement à leur chef, un certain Rousselet dont les troupes ne tardent pas à semer la terreur dans la ville.

Dans le même temps, un jeune capitaine d’artillerie arrive de Nice pour récupérer des canons et des munitions entreposés à Avignon : il s’appelle Napoléon Bonaparte. Quand l’armée de la Convention se présente pour écraser l’insurrection, elle se heurte violemment aux Marseillais. Le tocsin sonne au jacquemart de la tour de l’Horloge, suivi de tous les autres clochers et Avignon redevient la « ville sonnante » ainsi que l’avait jadis nommée Rabelais.

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Bonaparte en 1792

Les Marseillais se défendent avec succès contre les assauts du général Carteaux mais finissent par quitter la ville grâce à l’intervention de Bonaparte, plus efficace avec deux canons et quelques fantassins, que celle de Carteaux et ses 2000 soldats…

Bonaparte se retrouve logé chez Pierre-Simon Bouchet au n° 23 de la rue Calade (actuelle Joseph Vernet). Ce Pierre Bouchet, âgé de 32 ans, négociant, vit là avec sa domestique Marguerite Chanousse et Mathias Aubéry, concierge. Bonaparte est chargé de se procurer attelages et conducteurs pour transporter des pièces d’artillerie.

Atteint de paludisme, Bonaparte est soigné par son hôte et Mme Chanousse. Devenu empereur, il voulut «combler de bienfaits son ancien hôte d'Avignon; celui-ci n'accepta que la croix de la Légion d'honneur (créée en 1802) et la présidence du tribunal de commerce, qu'il conserva jusqu'à la fin de ses jours ».

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La "maison Bouchet" a subi peu de modifications depuis la gravure du XVIIIème siècle

Le souper de Beaucaire

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Après un diner animé par d’intenses discussions en compagnie de négociants, Bonaparte, qui n’a que 23 ans, écrit sous forme de dialogues « Le souper de Beaucaire » dans lequel il se met en  scène en tant que militaire démontrant à deux marchands l’inanité de la rébellion du Midi. Sabin Tournal, rédacteur au  Courrier d’Avignon, fait paraître une première édition, plusieurs fois rééditée. Augustin Robespierre (frère cadet de Maximilien, qui finira guillotiné comme son aîné) remarque ce pamphlet d’une quinzaine de pages («brochure de propagande jacobine» selon notre historien royaliste préféré, Joseph Girard, lequel traite de légende la participation de Bonaparte au siège d’Avignon) ce qui permettra à son auteur de commencer véritablement son ascension dans la hiérarchie militaire.

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Jean Antoine Lecomte du Nouy

Le souper de Beaucaire.

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Extrait (les premières lignes) du Souper de Beaucaire : « Je me trouvai à Beaucaire le dernier jour de la foire ; le hasard me fit avoir pour convives à souper deux négocians marseillais, un Nîmois et un fabricant de Montpellier. Après les premiers momens employés à nous reconnaitre, l’on su que je venais d’Avignon, et que j’étais militaire. Les esprits de mes convives qui avaient été toute la semaine fixés sur le cours du négoce, qui accroît les fortunes l’étaient dans ce momen sur l’issue des événements présens, d’où en dépend la conservation ; ils cherchaient à connaitre mon opinion pour, en la comparant à la leur, pouvoir se rectifier et acquérir des probabilités sur l’avenir qui nous affectaient différemment ; les Marseillais surtout paraissaient moins pétulans : l’évacuation d’Avignon leur avait appris à douter de tout. Il ne leur restait qu’une grande sollicitude sur leur sort. La confiance nous eut bientôt rendus babillards et nous commençâmes un entretien… »

Bonaparte quitte Avignon fin août 1793, en laissant quelques dettes, dont 60 francs jamais réglés de consommations de glaces et sorbets chez M. Baretta, patron du Café Suisse place saint Didier… café qui a repris récemment fonction sous le nom de son premier propriétaire !

1798 / 1799

En mai 1798, alors qu’il prépare la campagne d’Egypte, il est de retour à Avignon avec Joséphine. Ils descendent à l’hôtel du Palais National place de l’Ousle (actuelle place Crillon). Il est, selon un chroniqueur, «déguisé ainsi que son épouse; il portait un habit pêche avec de gros boulons d'acier ; sa femme était coiffée en cheveux, avec un chapeau de paille, un voile noir et une robe commune.» Ce qui doit être une terrible épreuve pour une femme «dont les dépenses en vêtements auraient permis d’entretenir une armée de 64 000 hommes pendant deux mois» et qui possédera jusqu’à 650 paires de chaussures !

Malgré la modestie de sa mise, Bonaparte emmenait une suite de cinquante personnes et trois carrosses. Reçu en musique avec les honneurs de la municipalité, il repartit au bout d’une heure, après s’être montré généreux avec ceux qui l’avaient servi.

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Andrea Appiani

Joséphine de Beauharnais

Nouveau passage rapide en octobre 1799, de retour de l’expédition de Syrie en passant par l’Égypte. Ill descend au même hôtel où une foule enthousiaste l’accueille en fanfare. Il charge le général de gendarmerie de retrouver ses bagages qui ont été pillés sur la route par une bande de brigands, nombreux à écumer le Midi.

1814

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Paul Delaroche -  Napoléon après

son abdication à Fontainebleau

Mais la dernière visite de Bonaparte est celle d’un empereur déchu et proscrit. En avril 1814, après son abdication et l’avènement de Louis XVIII, il doit se rendre à l’île d’Elbe.

 

Le 13, la place de la Principale est pleine de badauds attendant des nouvelles du retour des Bourbons et de l'avènement du roi Louis XVIII. Les royalistes craignent d’espérer en vain, tandis que les partisans de l'empire reprennent confiance. Le 16 on apprend l'abdication de Napoléon.

 

D’après le journal du notaire Chambaud, témoin des événements, chacun se met alors à arborer une cocarde blanche et le drapeau fleurdelisé remplace les emblèmes impériaux arrachés par une foule en délire. Le maire Guillaume Puy, précédé d'un corps de troupe avec tambours et musique, parcourt la ville pour annoncer le changement de régime et prêcher le calme. Des farandoles échevelées se prolongent dans la nuit, la ville est illuminée, des drapeaux blancs flottent à toutes les fenêtres…

L’empereur est annoncé pour le 24 avril. Sur la place de l’Ousle où il avait été acclamé revenant d'Égypte, une foule furieuse réclame la tête du «Corse Buonaparte». A leur arrivée les trois voitures sont assaillies mais les émeutiers ne trouvent que les gens de sa suite forcés de crier «Vive Louis XVIII» avant d’être relâchés. Les aigles des portières sont arrachées  et l’écusson impérial couvert de boue.

 

Place Crillon et porte de l'Oulle, photo prise avant 1900 date de la destruction de la por

La place de "l'Ousle" avant

la démolition de la porte

Napoléon n’arrive que le lendemain. Guillaume Puy fait en sorte que le convoi fasse halte à un endroit différent de celui prévu et le capitaine Montagnac y court avec sa troupe, mais cela n’empêche pas la foule des ouvriers, des portefaix, des mariniers du Rhône avec femmes et enfants de menacer le convoi. L'empereur «contemple cette scène émouvante avec une impassibilité hautaine et semble étranger à ce qui se passe autour de lui ».

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Quand un homme  tente d’ouvrir la portière, un valet assis à côté de Napoléon veut tirer son couteau de chasse (ou un sabre selon les versions) pour le défendre, ce qui redouble la fureur des attaquants.
A ce moment, le capitaine Montagnac vient à la rescousse et repousse l’assaillant. L’empereur le remercie d’un geste de la main, tandis que la foule s’écarte devant les baïonnettes. Les chevaux sont rapidement changés et le postillon parvient in extremis à lancer la voiture au triple galop vers la route de Marseille.

 

L’empereur aurait à peine eu le temps de crier «Bien obligé!» en remerciement à Montagnac qui lui avait sauvé la vie, bien qu’étant lui-même royaliste. Il aurait ajouté dans la voiture : «Diable ! je ne croyais pas que les Avignonnais eussent la tête si chaude !».

Par la suite, il acceptera de porter un uniforme autrichien de son escorte qui lui permettra de passer inaperçu et d’arriver sans plus de troubles au port d’embarquement pour Elbe.

 

Le capitaine Olivier Le Moine, auteur du récit « Le capitaine Bonaparte à Avignon » conclut ainsi :  «Tel fut le dernier séjour de l'Empereur à Avignon, où, sans un obscur officier de la garde urbaine, dont la conduite fut celle d'un homme de cœur, Napoléon, victime d'une populace fanatique, eût trouvé la mort dans le Rhône, qui, d'après une expression avignonnaise, devait être l'année suivante le tombeau du maréchal Brune».

Bibliographie

Olivier le Moine, Capitaine au 141ème régiment d'infanterie - Une page de l’histoire de Napoléon Ier
Joseph Girard – Evocation du vieil Avignon

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6297809t/f65.item.texteImage

https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/la-foule-chasse-napoleon-d-avignon-le-25-avril-1814-1619161959

Marie- Hélène Baylac dans « Secrets d’Histoire »

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