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Par Liliane   Novembre 2024

Petites histoires au sein de la grande Histoire...

Celle d'Avignon est riche en anecdotes, tragiques ou cocasses.

Des anti-papes comme s'il en pleuvait !

      On considère comme « antipape »  un ecclésiastique ayant exercé la fonction et porté le titre de pape alors que son avènement n’a pas été reconnu valable par l’Église catholique romaine.

 

Les antipapes ont été nombreux dans l’histoire de l’Eglise… A Avignon, le premier des deux antipapes fut en réalité le 40ème de la liste. Il y a même un mot pour désigner la période la plus trouble de la papauté romaine, au Xème siècle : la pornocratie, qui vient d’une expression allemande signifiant «gouvernement romain des courtisanes» !

Concernant Avignon, le 39ème antipape Nicolas V,  Pierre Rainalducci ou Pierre de Corbière (1258-1333 à Avignon)  est un franciscain italien nommé pape en 1328 par l’empereur Louis IV, qu'il couronne en échange de bons procédés.

 

Chassé de Rome, il excommunie Jean XXII ce qui frappe d’interdit toute la ville. Il finit par abdiquer et se rend à Avignon demander pardon à Jean XXII, la corde au cou.

Nicolas V couronnant Louis IV - Miniature de 1410

Le Grand Schisme d’Occident qui divise la chrétienté catholique en deux obédiences commence à Avignon en 1378 avec Clément VII, 40ème antipape.

Robert, comte de Genève (1342-1394) est élu par les cardinaux français qui considèrent l'élection d'Urbain VI à Rome comme nulle, car faite sous la pression de la population insurgée. Clément VII est reconnu par la France, l’Espagne, l’Ecosse et la Sicile. L'Angleterre et le Saint-Empire restent fidèles à Rome.

Lui succède Benoît XIII, Pedro Martinez de Luna (1329 -1422 en Aragon)

 

Militaire, professeur de droit à Montpellier, cardinal-diacre et légat en Espagne, il est élu par les cardinaux français en 1394. Intrigant, ambitieux et tenace, il est soutenu  par la France, la Castille, le Portugal, l'Aragon, l'Écosse et Chypre. Il refuse d’accomplir sa promesse de renoncer à sa tiare et le roi de France Charles VI décide de ne plus le reconnaître comme pape.

 

Il finit par s’enfuir et se réfugie en Espagne, sans jamais cesser de se prétendre pape légitime. Il meurt à Peniscola à 93 ans.

Statue de Benoit XIII à Peniscola en Espagne

Alexandre V, Petros Philargès ou Pierre Filargo, dit Pierre de Candie (1340 Crète -1410  Bologne)

 

Moine franciscain, étudie à l'université d'Oxford puis à celle de Paris et gravit les échelons ecclésiastiques jusqu’à être nommé archevêque de Milan puis cardinal. Il est élu pape en 1409 par le concile de Pise qui a déposé le pape légitime Grégoire XII (Rome) et l'antipape Benoît XIII (Avignon) lesquels refusent de se soumettre. La France, l'Angleterre, la Bohême, la Prusse, le nord et le centre de l'Italie se rallient à Alexandre V.

 

Des rumeurs accuseront Jean XXIII de l'avoir empoisonné.

Jean XXIII Baldassare Cossa (1370 Naples-1419 Florence)

 

Ancien corsaire, il étudie le droit à Bologne et est fait cardinal par Boniface IX. Violent, débauché, il vend des indulgences, des charges, des reliques et même des canonisations. À la tête d'une armée, il prend Bologne qui réintègre ainsi les États pontificaux. Excommunié par Grégoire XII en raison de ses mœurs dépravées, il se fait néanmoins élire à l'unanimité (grâce à une corruption effrénée) en 1410 après avoir été ordonné prêtre la veille. Il est déposé en 1415 comme "simoniaque, impudique, empoisonneur et dissipateur des biens de l’Église" par le concile de Constance qu’il avait convoqué dans l’espoir d’être confirmé. Emprisonné dans diverses villes allemandes, soixante-dix chefs d'accusation sont portés contre lui  notamment la simonie, le viol, la sodomie, l’inceste, la torture et le meurtre... Il reconnaît finalement la sentence, achète sa liberté  contre 30 000 écus d’or et se rend à Rome où il fait sa soumission au pape Martin V qui le nomme cardinal-archevêque. Rayé de la liste officielle, il est néanmoins considéré par certains comme un pape authentique sinon le concile qu’il avait convoqué ne serait pas valide. Son nom sera repris en 1958 par un de ses lointains successeurs.

Clément VIII, Gil Sanchez Munoz y Carbón

(1370 en Espagne-1446 Majorque)

 

Chanoine de Barcelone, élu en 1423 par trois cardinaux et soutenu par le roi d’Aragon, il succède à Benoît XIII en Espagne : avant de mourir ce dernier avait prévu de perpétuer le schisme

en le faisant nommer pape.

 

En 1429, il finit par se soumettre à Martin V

qui le nomme évêque de Majorque.

Soumission de Clément VIII au pape.

Félix V, Amédée VIII de Savoie (1383 Chambéry-1451 Genève)

 

Héritier du  Comté de Savoie, marié à l’âge de 10 ans à la fille de Philippe le Hardi, il est élu pape à 56 ans par quelques cardinaux après la déchéance d’Eugène IV. Mais en 1449, lassé par les intrigues du Sacré Collège il abdique et se réconcilie avec le nouveau pape, Nicolas V (pape légitime contrairement à son homonyme du XIVème siècle), qui le nomme évêque de Genève, légat pontifical et cardinal du Sacré Collège.

Benoît XIV – Benoit XV – Benoit XVI ?

 

« L’Eglise du Viaur » (Aveyron) : en 1424, Jean Carrier, archidiacre au chapitre de Rodez et cardinal créé par Benoît XIII, refuse de reconnaître Clément VIII et élit lui-même un successeur, Benoît XIV - un certain Bernard Garnier qui se retire dans les gorges du Viaur où, sous la protection du comte Jean IV d'Armagnac, il maintient une cour pontificale jusque vers 1430.  Lui succéderont un, peut-être deux, Benoît…

 

Le forgeron Jean Tranier et sa famille, partisans de l'antipape, fondent  «l’église de Panissole» dans une grotte qui leur sert aussi de refuge, avec pour prêtre    « le cardinal » Jean Féral. Les Tranier sont arrêtés en 1467. Plus de trente ans après la disparition de leur pape Benoît XIV, Jean Tranier ne reniera jamais ses convictions et meurt pendant son procès pour hérésie. Sa fille abjure et est condamnée à la prison à vie, son fils Pierre est condamné au bûcher.

La grotte de Panissole - Photographie "Blog de Gérard"

Pour terminer, bien que sans rapport direct avec Avignon, voici le 48ème et dernier antipape

Clément XV – 48ème antipape ni officiel ni reconnu

 

Michel Auguste Marie Collin (1905 en Lorraine – 1974 en Moselle)

Ordonné prêtre en 1933, il fonde la congrégation des Apôtres de l’Amour Infini. Il prétend que la Trinité lui apparaît dans une vision et lui déclare qu’il sera pape. En 1951, pour « propagation de doctrines erronées, fausses révélations, révolte ouverte contre le Saint-Siège romain », il est réduit à l'état laïc et sa congrégation dissoute. En 1963, auto-proclamé pape sous le nom de Clément XV après le décès de Jean XXIII, il fonde « l’Église rénovée du Christ » et répand une doctrine très traditionnelle additionnée de croyance aux extraterrestres, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Italie, en France et au Canada.

Il excommunie le pape Paul VI qu'il considère comme un usurpateur ainsi que tous ceux qui se dressent

sur son chemin, évêques, juges, journalistes, ministres, le directeur des impôts de Meurthe-et-Moselle

qui lui réclame  300 000 francs d’arriérés, ainsi que les communistes et les francs-maçons. Il achète

un hôtel-restaurant pour accueillir les pèlerins. Condamné pour escroquerie, il meurt d'un cancer.

Sa résurrection, prévue pour Noël 1982, n’a pas eu lieu…

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