Petites histoires au sein de la grande Histoire...
Celle d'Avignon est riche en anecdotes, tragiques ou cocasses.
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Les 24 heures provençales d'Elizabeth
En 70 ans de règne, sa majesté Elizabeth II aura passé quelques heures à Avignon. Ce n’est pas beaucoup, et elle était bien entourée – son époux Philip, son fils Charles, sa mère la Queen Mum, et une suite de trente six personnes – et plus encadrée qu’un groupe de touristes suivant pas à pas leur guide à microphone et parapluie repère – pas « d’après-midi libre » pour la reine ! Mais un bref séjour qui aura été «un enchantement » selon ses dires.
C’est le mois de mai 1972.
Après avoir rencontré Georges Pompidou alors président de la République, qui commit d’ailleurs un impair en lui touchant le bras, car personne ne doit de toucher la reine, Elizabeth a droit à une visite express de Nîmes et d'Arles, un survol de la Camargue en hélicoptère et un déjeuner à Fontvieille, avant que la Chambord royale ne prenne la route pour Avignon, non sans perdre une durite du radiateur. Elle observe avec un flegme très english la fumée s'échapper du moteur et dit au chauffeur : « Thank you, je crois que vous nous avez sauvés des flammes. »
Le maire, Henri Duffaut, le président du conseil général, Jean Garcin et les personnalités civiles et militaires du Vaucluse accueillent le cortège royal avec toute la déférence voulue. La reine, qui a alors 46 ans, est vêtue d’un tailleur lilas gansé de noir et d’un chapeau cloche (les couleurs de bonbons acidulés viendront plus tard). Une foule énorme s’est rassemblée le long de la rue de la République et à tous les balcons ; des entreprises ont accordé une heure de congé aux employés, les écoles laissent sortir les enfants le temps du passage de la voiture décapotée, et tout le monde applaudit.
Une spectatrice témoigne : « J'avais 20 ans quand elle est venue à Avignon. C'était magique parce que je l'ai vue arriver de la gare d'Avignon avec ma copine. Le prince Charles nous a fait signe avec un sourire, la reine Elisabeth aussi ! Ça m'a marqué pour toujours parce que je n'ai pas eu l'occasion d'aller en Angleterre pour la voir. »
Sur la place du Palais, de ravissantes jeunes femmes en costume provençal lui font une haie d’honneur. Le prince Philip s’étonne : « Quel est ce petit animal ? » demande-t-il à l’une d’elles dont le châle est orné d’une cigale.
Un bref quart d’heure pour « visiter » le Palais des Papes, un petit tour sur le Rocher des Doms, un aperçu du pont saint Bénezet… et le cortège royal s’en va à Saint Remy de Provence pour l’heure du thé – il parait que la reine avait apporté sa propre eau. Le prince Charles, qui a rejoint ses parents en Aston Martin décapotable, a droit à un panier de fraises de Carpentras.
Dîner et nuit à l’Oustau de Beaumanière d’excellente réputation, dans la chambre jadis occupée par le Général de Gaulle, une matinée aux Baux et bye bye la Provence.
A-t-elle parfois rêvé, la reine, de revenir en catimini, pour déguster une glace incognito en arpentant les petites rues, se promener dans la garrigue et profiter du soleil? Elle n’en aura jamais eu l’occasion. C’est bien dommage pour elle…